Ave Maria
« Le 20 juin 2010, vers 8h30, j’ai été témoin du vol d’un cœur sacré de la cathédrale de Chartres. Il a été décroché d’une stalle pour m’être offert. J’oubliais que le voleur, s’en appropriant les qualités, me tendait le cœur d’un autre et je l’acceptais. J’endossais alors, sans en avoir conscience, la culpabilité d’être le détenteur d’un objet sacré volé et prenais à ma charge le sacrilège.
A l’intérieur de cet ex-voto représentant le cœur sacré de Marie se trouve une photo d'identité oxydée et un morceau de papier plié sur lequel, écrit à la plume en pleins et déliés, une femme prie la vierge Marie de rendre la santé à son mari malade, en date du 23 mai 1891. Pétrifiée d’avoir violé l’intimité d’une prière, j’ai gardé ce cœur enfermé dans une boîte pour l’oublier.
Plus récemment, devant une représentation de la vierge Marie dans une église Napolitaine, j’ai eu cette envie soudaine d’écrire un AVE MARIA. Ce cœur sacré m’est alors revenu en mémoire et j’avais là, la solution pour enfin m’en défaire. J’écrirais cet AVE MARIA et rendrais le Cœur Sacré de Marie à la Cathédrale de Chartes avec la partition de l’œuvre. »
Oui, mais comment écrire un AVE MARIA au 21ème siècle ? Comme l’écrire autrement que sous forme de questions ?
Incarnée par une mezzo-soprano en voix de poitrine en référence aux chants populaires du sud de la méditerranée, une femme cherche à s’adresser à Marie dont elle a perdu la voix. Devenue mère, elle évoque la place du désir dans l’amour et dans l’enfantement et interroge le personnage biblique. Le soprano en voix de tête simple et pure porte au sacré cette demande en reprenant en écho des mots de cette prière, ainsi que les parties du texte liturgique de l’Ave Maria. Quand la question du désir est évoquée, le mezzo-soprano passe en voix de tête, et s’approprie la mélodie, jusqu’ici réservé au soprano, de l’AVE MARIA. Le climax est sur « je t’implore ». Les deux voix, le sacré et le profane, se rejoignent ensuite dans une forme canon pour évoquer le désir, l’amour et le féminin au delà du symbole religieux.